Le silence enveloppe le monde. Il se manifeste dans le soupir de la neige qui tombe, dans le calme avant le “Je t’aime”, et d’autant plus, dans le moment d’arrêt que le public crée avant que l’orchestre ne commence.
Le silence est souvent à son plus puissant lorsqu’il est accompagné de l’absence. Le couple formé du silence et de l’absence est vénérable; il existait peut-être avant le début des temps, et restera peut-être derrière après leur fin. Ce duo trouve fréquemment sa présence la plus irrépressible dans le vide laissé par le départ d’un être aimé. Et nous devons répondre à cette perte, à ce nouveau silence. Nous ne pouvons pas tout simplement continuer comme si de rien n’était. Ce silence perturbe nos bruyantes relations avec le monde et les autres.
Pourtant, considérant toutes les formes qu’il puisse prendre, le silence pur est impossible. Le battement de notre cœur ne le permet pas. Et bien que notre cœur battant nous fournisse un solide bouclier contre la brutalité du calme, notre besoin de réconciliation avec le silence demeure.
Le silence, qu’il soit familier ou oublié, n’exige pas en lui-même de réponse. Mais comme le silence renouvelle sans fin la forme de ses apparitions, et comme il refuse de s’expliquer, nous nous voyons contraints de répondre une fois de plus, ne fût-ce que mollement. Parfois, tout ce que nous pouvons faire, c’est nous taire et devenir silencieux aussi.
Aujourd’hui, les silences auxquels nous faisons face sont presque inconcevables, tout comme les absences qui les accompagnent. Dans nos villes, le silence emplit les rues, les restaurants, les écoles, les parcs, et les salles de concerts que nous aimons tant.
Le silence est pourtant nécessaire.
En musique, le silence est un événement incontournable. Avant la première note du violon, le calme de la salle de concert invite la musique à entrer. C’est l’écrin, l’enveloppe, créée par la respiration retenue de l'auditoire, dans laquelle la musique se replie. Ce silence est un cadeau. C’est le don qui précède et qui suit la musique.
Ce cadeau nous manque cruellement.
Nous regardons les magnifiques enregistrements vidéo de musiciens au foyer, et nous posons la question: où est donc le public sur cette image?
Alors nous répondons. Nous répondons en vous offrant un espace pour “être là”, pour être présent. Nous vous ramenons dans la salle de spectacle. C’est là notre façon d'exprimer, de recréer le lien nécessaire entre le public et l'interprète, aussi imparfait soit-il. Ce cadeau du silence du public, cet écrin pour la musique, est en effet radical: c’est le don de la présence physique dans un espace, de l’entrée en relation avec des inconnus, de l’attention généreuse, de l’immobilité, et de la création d’une enveloppe silencieuse, miraculeuse, sans cesse renouvelée, dans l’accompagnement du son du battement de nos cœurs.
Réflexion de Joel Peters et Sarah Ens
Traduction de Vincent Lauzon
Image de bannière : Clayton Kennedy
Musique et vidéos :
Michael Bonaventure
Kim Farris-Manning
Florafone
Adrian Foster
Ethan Hill
Abdurahman Hussain
Nick Jewell
Benjamin S. Korotkin
Jessica Korotkin
Methal
Joel Peters
Poèmes :
Sarah Ens
Kim Farris-Manning
Vincent Lauzon
Avec :
Miranda Hickman
Kimberley Lynch
Nous remercions Florafone (Claire Devlin, Kyle Hutchins, Alex “Pompey” K.S., Sarah Rossy et Louis Stein)
Ce projet est rendu possible grâce au généreux soutien du Conseil des arts du Canada